INVENTAIRES FERROVIAIRES de FRANCE
POURQUOI CET INVENTAIRE ?
Nature des lignes
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%
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Km
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Totalité des lignes ferroviaires envisagées |
100
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300 000
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Lignes ayant fait l'objet d'un projet précis et d'une étude préalable sérieuse |
60
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180 000
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Lignes ayant au moins reçu un début de mise en chantier sur le terrain |
40
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120 000
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Lignes effectivement terminées et mises en service |
35
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105 000
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Lignes déclassées et abandonnées à ce jour |
25
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75 000
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Lignes en service en 2015 |
10
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30 000
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Lignes en service à l'horizon 2025 |
6
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18 000
|
Comme le montre le tableau ci-dessus, le réseau ferroviaire français actuel n'est qu'une très petite partie de ce qui a été envisagé, de 1825 (première voie ferrée française et continentale européenne) à ce jour. Il ne représente que le quart des 120 000 km de voies ferrées construites.
Un autre quart a déjà totalement disparu, rayé de la surface du sol par les remembrements ruraux, le développement urbain ou suburbain, l'élargissement des routes, la végétation et l'érosion naturelles, etc
Un troisième quart déjà passablement abîmé va bientôt suivre le même destin d'ici moins d'un siècle.
Enfin, le dernier quart restera visible un peu plus longtemps puisque situé dans des zones de relief où les voies ferrées ont laissé des cicatrices plus importantes.
En effet, l'étude détaillée et exhaustive des chemins de fer français fait apparaître que notre pays a connu plusieurs types de lignes ou de réseaux qui sont arrivés au maximum de leur extension vers 1920, soit pratiquement un siècle après l'apparition de la première ligne ferroviaire. Depuis, malgré la nouvelle aventure des lignes à grande vitesse apparue dans les années 1980, force est de constater que le chemin de fer est aujourd'hui une technologie dépassée qui ne cesse de dépérir dans une longue agonie. Par choix politique, par faute de rentabilité, par non renouvellement des crédits nécessaires, l'entretien de la totalité des lignes n'est plus possible et un tiers d'entre elles disparaîtra encore dans les prochaines années.
Le réseau actuel brille donc beaucoup plus par ses vestiges que par ses prouesses techniques. C'est pourquoi, dans la mesure où les derniers témoins directs des belles heures ferroviaires vont bientôt s'éteindre, il y a urgence à rappeler l'existence de ce patrimoine à la mémoire collective car ce sont des pans entiers de notre histoire locale et nationale qui disparaissent ainsi chaque jour un peu plus.
LIGNES ET VESTIGES :
Des recherches approfondies font apparaître les divers types de lignes suivants :
> Les lignes à grande vitesse (LGV) qui sont toutes aujourd'hui en service ou en construction.
> Le réseau national, dit aussi d'intérêt
général ou normal, parce que construit dans l'écartement
standard international de 1435 mm de large.
On peut le subdiviser entre lignes encore en service dont le kilométrage
tend à se réduire, et en lignes abandonnées.
La majorité de ces lignes restent cependant encore bien présentes
dans le paysage, les archives et la mémoire collective. En témoignent
les nombreux sites Internet consacrés à beaucoup d'entre elles.
Cependant :
- 10 % d'entre elles ont totalement disparu, surtout dans les zones urbaines
et suburbaines qui ont subi de fortes modifications topographiques.
- 10 % ont été transformées en voies de communication routières,
routes et rocades diverses.
- 20 % ont été transformées en parcours de randonnée
ou voies vertes.
Et le reste survit dans des états divers allant du chemin agricole à
des fonds de tranchées envahis par une végétation devenue
quasi impénétrable.
> Les chemins de fer départementaux,
dits d'intérêt local, en majorité réalisés
en écartement métrique pour des raisons d'économie, mais
parfois en écartement normal lorsque la platitude du terrain, comme dans
les Landes, le permettait. On trouve aussi quelques lignes en écartement
de 60 cm (Decauville).
A l'exception des cinq lignes suivantes, toutes métriques, ligne du Blanc
Argent dans le Loir et Cher, ligne de Chamonix Mont-Blanc en Haute-Savoie, petit
train jaune de Cerdagne dans les Pyrénées Orientales, train des
Pignes entre Alpes de Haute Provence et Alpes Maritimes, et le réseau
corse, toutes ces lignes sont aujourd'hui abandonnées.
Elles restent relativement présentes dans les archives et la mémoire
collective. Mais très souvent tracées en bordure des routes, sauf
dans les régions montagneuses où il n'était pas possible
de suivre le profil routier trop accidenté, les deux tiers de ces lignes
ont aujourd'hui disparu. Ne restent visibles que les marques trop importantes
dans les parties montagneuses.
> Les réseaux miniers.
Tantôt construits en écartement standard, comme dans le nord de
la France, ou en écartement Decauville ou assimilé (de 50 à
80 cm) dans beaucoup d'autres régions, tous ces réseaux ont été
abandonnés en même temps que l'exploitation de nos mines de fer
ou de charbon.
Par ailleurs, l'évolution des méthodes d'extraction a aussi fait
disparaître l'emploi des petits réseaux Decauville de carrières,
de ballastières ou de sablières.
Les traces visibles en restent donc très ténues, d'autant plus
que l'on s'est empressé de vouloir effacer ces vilaines traces et de
restituer le paysage dans sa dimension première.
Si l'époque des mines reste encore bien vivace dans la mémoire
collective, celle-ci tend cependant à s'effacer doucement avec la disparition
progressive des mineurs. De plus, elle n'a pas vraiment retenu le rôle
des chemins de fer qui n'étaient qu'un épiphénomène
secondaire de la mine. Les archives sont donc souvent muettes sur ce plan.
> Les réseaux betteraviers. La betterave sucrière
est une plante essentiellement cultivée dans les terrains marneux du
bassin parisien. Sa récolte a souvent posé problème en
raison de son poids et de la qualité du terrain très gras et boueux
par temps de pluie qui interdisait l'usage des charrettes classiques.
Fruit d'Armand et Paul Decauville, père et fils, gros propriétaires
terriens cultivateurs de betteraves, le système de voies ferrées
portables et modulables en 60 cm d'écartement, résoudra le problème
et aura un tel succès qu'il sera universellement utilisé dans
tous les endroits où l'on a besoin de voies ferrées temporaires
facilement déplaçables : champs de betteraves certes, mais aussi
mines, carrières, chantiers, champs de bataille, etc
Aussi, par extension de langage, la plupart des petits chemins de fer étroits
de moins d'un mètre de large construits pour des besoins temporaires,
seront appelés Decauville même s'ils ne portent pas réellement
cette marque.
La contrepartie de cette invention est que ces voies n'avaient nul besoin d'infrastructure.
Aussi ont-elles toutes disparu et n'ont-elles laissé aucune trace dans
le paysage. Par ailleurs, la récolte des betteraves n'a pas vraiment
marqué la mémoire collective. Les archives sont donc rares et
nous avons là l'exemple type d'un patrimoine disparu qu'il est difficile
de restituer.
> Les réseaux forestiers.
Ils étaient situés dans les deux grands ensembles forestiers français
que sont les Landes et les Vosges.
Dans les Landes, on ne trouve pas de réseau proprement dit mais plusieurs
lignes Decauville isolées dont nous ne retiendrons que les trois principales
: celle de Contaut à Lacanau, en Gironde ; celle de Lugos au Chapuis
Cassiot, sur la commune de Biscarrosse, dans les Landes ; et enfin, au nord-est
du département, une ligne du Poteau à Jourets, avec une antenne
vers Lencouacq-Menjoulic.
Les trois grands réseaux des Vosges, Abreschviller, Waldbahn et Hantzbahn,
se distinguent par trois particularités. Ils ont été conçus
par les Allemands du temps de l'occupation de l'Alsace et de la Moselle. De
ce fait, ils étaient en écartement de 70 cm qui n'est pas le Decauville
classique. Par ailleurs, ils ont été reconvertis en réseaux
militaires pendant la première guerre mondiale et ce deuxième
usage a laissé diverses traces qu'il est encore possible de voir à
flanc de pentes.
Pour le reste, construits selon un principe identique à celui des réseaux
betteraviers, les chemins de fer forestiers occupent peu de place dans la mémoire
et les archives.
> Les réseaux militaires.
On l'oublie trop souvent, mais la guerre de 14 fut avant tout une bataille ferroviaire.
En effet, à l'époque, le transport terrestre par excellence était
le train. Et si les taxis de la Marne ou les camions de la Voie Sacrée
de Verdun ont tant marqué les esprits, c'est parce qu'ils constituaient
justement une extraordinaire nouveauté.
Notre pays a donc été très riche en voies ferrées
militaires. On en distingue plusieurs types :
- Suite à la guerre de 70, des lignes stratégiques construites
avant la guerre de 14 dans la région de l'Est notamment. En écartement
normal, elles ont été intégrées au réseau
national et ont suivi l'évolution de ce dernier. Elles devaient faciliter
l'acheminement des troupes vers les champs de bataille. Certaines servent toujours,
d'autres ont été abandonnées.
- Dans le même temps, les réseaux de places fortes comme Epinal,
Toul et Belfort. Conçus en écartement Decauville pour répondre
aux besoins des divers forts et bastions entourant ces villes, ils ont totalement
disparu comme toutes les lignes Decauville avec l'extension urbaine, mais restent
cependant bien présents dans les archives militaires. Il est donc assez
facile de les retracer.
- Les lignes stratégiques en écartement normal construites dans
l'urgence pendant la guerre de 14, telles la voie ferrée des Cents Jours
dans la Somme ou les lignes qui ont doublé la Voie Sacrée vers
Verdun. N'ayant de voies ferrées que le nom, car elles étaient
un simple grattage de surface sur lequel on posait directement les rails, elles
ont disparu sous la reprise des cultures aussitôt la guerre terminée.
Seuls quelques regards très avertis peuvent encore en suivre la trace
à travers champs.
- Les chemins de fer de campagne Decauville de front et d'arrière-front.
Très mobiles par définition, ces lignes ont servi un temps à
la reconstruction des pays sinistrés puis ont été démontées.
Quelques-unes ont toutefois survécu comme chemins de fer betteraviers.
Elles ont alors disparu comme ces derniers. Toutefois, il en existe encore une
trace sur de nombreuses cartes et croquis des JMO, c'est-à-dire des Journaux
de Marche et Opérations des diverses unités qui ont participé
à la guerre.
- La grande radiale stratégique Maginot. Construite en écartement
normal dans les années 1920, en même temps que la célèbre
ligne fortifiée du même nom, elle avait pour vocation de doubler
cette dernière et de permettre de transférer rapidement des troupes
d'une extrémité du front à l'autre. Aujourd'hui abandonnée,
elle a cependant laissé sur le terrain des vestiges importants car elle
a été construite selon des normes très modernes pour l'époque
et recoupait les autres lignes par tout un ensemble de raccordements complexes
avec de nombreux ponts (sauts de mouton).
- Le réseau Decauville Maginot. Il avait pour but d'amener les munitions
depuis les dépôts arrières jusqu'aux différents forts
de la ligne. Resté inachevé par rapport aux projets initiaux,
mais cependant long de plusieurs dizaines de kilomètres, il couvre une
bonne partie de l'Alsace et la Lorraine et a parfois laissé des traces
encore bien visibles dans le paysage. A noter que les rails et trains Decauville
que l'on trouve dans les forts Maginot, constituaient la prolongation souterraine
et les diverses extrémités de ce réseau.
- Les lignes militaires allemandes du mur de l'Atlantique pendant la seconde
guerre mondiale. Réalisées en écartement normal pour recevoir
des canons à longue portée d'artillerie lourde sur voie ferrée,
ou pour permettre d'extraire le sable nécessaire à la construction
des blockhaus et fortifications, elles ne constituent pas un réseau à
proprement parler mais plutôt un ensemble d'embranchements militaires
que l'on retrouve tout au long des côtes de la Manche et de l'Atlantique,
de Dunkerque à Hendaye. En Ile de France, certaines desservaient aussi
des bases ou des entrepôts souterrains destinés aux armes secrètes
allemandes.
> Le réseau de halage.
Même si le chemin de fer est devenu le concurrent direct de la batellerie
fluviale, cette dernière a survécu. Or, en 1920, il existe encore
beaucoup d'embarcations qui ne sont pas automotrices et qu'il faut haler le
long des berges des canaux. Ce halage se fait traditionnellement par traction
animale mais il est décidé de le mécaniser sur certaines
voies d'eau importantes.
C'est pourquoi les canaux du grand axe de Bâle (à la frontière
suisse) à Dunkerque (sur la mer du Nord) vont être équipés
de voies ferrées de halage en écartements métrique et Decauville
(pour la partie Alsace-Lorraine) afin de faciliter la traction des barges non
motorisées. Ensuite, des canaux secondaires seront aussi aménagés
vers les divers bassins miniers de Lorraine et du Nord.
Ce réseau a progressivement disparu à partir des années
1960 suite à la motorisation des péniches et à la nouvelle
concurrence routière qui a réduit la batellerie à une peau
de chagrin. Mais il demeure cependant très vivace dans la mémoire
des mariniers et dans les archives de l'administration des Voies Navigables
de France. Quelques traces en sont par ailleurs encore visibles le long des
berges.
> Le réseau de chantier
des Landes. Etabli temporairement de 1857 à
1861 pour construire les routes agricoles nécessaires à l'assainissement
des Landes, ce réseau a comporté des bretelles qui s'embranchaient
sur la ligne de Bordeaux à Bayonne, à partir des gares de Pierroton,
Marcheprime, Facture, Candos, Ychoux, Labouheyre, Laluque et Dax.
Ce réseau construit en écartement normal à partir de la
grande ligne Bordeaux Bayonne, ne doit en aucun cas être confondu avec
les quelques lignes Decauville forestières apparues plus tard pour l'exploitation
du bois.
A noter que tous ces réseaux spéciaux font l'objet d'une étude un peu plus étoffée que vous pouvez trouver sous ce lien .
> Autres réseaux spéciaux. Dans cette catégorie, entrent un tas de petites lignes en écartement normal ou Decauville comme certaines lignes de chantier pour la construction des grands barrages, des lignes industrielles, les réseaux internes aux entreprises ou grands entrepôts, ou les actuels petits trains des parcs de loisirs.
> Les inclassables. Il s'agit de petits réseaux à voie étroite ponctuels, disparus ou non situables avec précision, mais dont des textes attestent de la présence passée.
> Réseaux urbains et suburbains. En raison de leur histoire, de leur évolution, de leur morphologie générale et de leur usage, les réseaux urbains ne peuvent être considérés et définis comme des voies ferrées au sens strict. En conséquence, ils ne sont pris en compte que dans leur globalité, sans rentrer dans le détail des lignes qui les composent, sauf pour quelques unes d'entres elles classées U selon la nomenclature RSU , dès lors qu'elles desservent des destinations lointaines de grande périphérie et peuvent être assimilées à des lignes classiques.
DU SOUVENIR A LA REALITE :
On comprendra qu'en raison de toutes les contraintes édictées ci-dessus, la géographie ferroviaire n'a jamais passionné les foules. En fait, à l'exception de "la bible" publiée par Monsieur LARTILLEUX dans les années 1950, de quelques travaux comme "trains oubliés", "l'encyclopédie générale des transports", ou le très beau travail de la FACS (Fédération des Amis des Chemins de fer Secondaires), elle est toujours restée un sujet marginal et peu exploré. En dehors des lignes nationales et départementales, il n'a par exemple jamais été fait aucun travail sérieux sur tous les autres types de réseaux.
C'est pourquoi cet inventaire a la prétention de combler cette lacune et, après de sévères recherches, révèle aujourd'hui à peu près 98 % de tout ce qui a pu exister en matière ferroviaire, en France, depuis la création des chemins de fer. Il constitue donc le travail le plus avancé à ce jour puisqu'il définit 20 000 segments de lignes, 4000 bifurcations et raccordements, ainsi que les 26 000 communes "ferroviaires" de France, et qu'il descend à un niveau de détail jamais atteint jusqu'ici : celui des gros embranchements particuliers.
Les 2 % restants correspondent :
- Soit à des lignes oubliées sorties de la mémoire des
hommes et dont il n'a pas été possible de retrouver une trace
suffisante (même dans les archives).
- Soit à des lignes "internes" (usines, mines et carrières)
que nous avions initialement délaissées pour dégrossir
le problème, mais que l'un de nos spécialistes est en train de
rechercher et de reprendre au titre de ce que nous appelons "les réseaux
spéciaux".
Nous pouvons donc espérer réussir à décrire 99 %
du réseau. Mais il ne faut pas perdre de vue que, comme dans tout travail
de cet ordre, il est parfois nécessaire de "globaliser" et
d'opter pour une représentation schématique qui n'a fonction que
de suggérer un existant passé. En ce sens, malgré tous
nos soins, notre travail ne pourra jamais être totalement exhaustif et
il appartiendra à chacun d'approfondir selon son désir.